Fixer le bon cap pour les entreprises et les droits de l’homme

L’OIE présente son point de vue sur la sixième session de cette semaine du Groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits de l’homme.

Blog par Matthias Thorns, Secrétaire général adjoint

Plus de soixante-dix ans après l’adoption de la Déclaration universelle, les droits de l’homme sont encore bien trop souvent bafoués et enfreints dans de nombreux pays du monde. Des difficultés structurelles telles que l’informalité, la mauvaise gouvernance et la piètre administration, la faiblesse des systèmes judiciaires et la corruption sont autant d’obstacles à une meilleure mise en application et protection des droits de l’homme. La promotion et la protection des droits de l’homme sur le terrain constituent un impératif kantien.

Les entreprises ont un rôle important à jouer dans ce contexte. Les principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme établissent clairement que s’il incombe aux gouvernements de protéger les droits de l’homme, toutes les entreprises se doivent de respecter ces droits. L’Organisation internationale des Employeurs (OIE) et ses membres, qui représentent plus de 50 millions d’entreprises, sont résolument déterminés à œuvrer en faveur d’une meilleure mise en application des principes directeurs de l’ONU. Les droits de l’homme sont aussi l’affaire des entreprises !

Lorsque la communauté des entreprises rejettera la deuxième version révisée du projet de traité sur les entreprises et les droits de l’homme, laquelle sera examinée par un Groupe de travail intergouvernemental à Genève cette semaine, ce ne sera pas pour se dérober à ses responsabilités. Au contraire, nous avons pris cette décision car cette version du projet de traité ne servira pas la cause des entreprises et des droits de l’homme. Elle ne pallie pas les lacunes actuelles qui empêchent une promotion effective de cette cause. Elle n’offre pas de moyens réalisables, efficaces et accessibles à tous de remédier à la situation au niveau local. Elle ne tire pas non plus parti de l’immense dynamique imprimée par la mise en œuvre des principes directeurs de l’ONU.

Au contraire, en continuant de s’éloigner des principes directeurs de l’ONU, la nouvelle version du projet de traité crée de profondes incertitudes quant aux rôles, aux responsabilités et aux attentes, et elle compromet les efforts déployés par les entreprises pour mettre en œuvre les principes directeurs de l’ONU. Les discussions en cours sur le champ d’application de l’instrument et le fait que la version actuelle du projet de traité crée des failles que les gouvernements pourraient utiliser pour exempter des groupes entiers d’entreprises - notamment les entreprises d’État et les "autres entreprises" - des obligations du traité montrent que cette version du traité ne contribuera pas à des conditions de concurrence équitable, bien au contraire. De nombreuses dispositions, telles que celle permettant au plaignant de choisir le droit applicable, génèrent une grande incertitude juridique et sont contraires aux principes du droit international ainsi qu’à diverses lois nationales. De manière générale, la deuxième version révisée du projet de traité demeure inadaptée aux fins poursuivies.

La pandémie de Covid-19 a montré qu’il importait au plus haut point d’agir collectivement et de collaborer de manière constructive. Les entreprises sont disposées à coopérer avec l’ensemble des parties prenantes pour promouvoir la cause des entreprises et des droits de l’homme conformément aux principes directeurs de l’ONU et dans le droit fil des avancées réalisées jusqu’à présent. Les droits de l’homme doivent s’inscrire au cœur des efforts déployés pour reconstruire en mieux. Il est dès lors impératif de faire en sorte de renforcer la responsabilité des États et le contrôle de ceux-ci quant au devoir qui leur incombe d’appliquer et de faire appliquer les droits de l’homme ainsi que de garantir un accès effectif à la justice sur le terrain. Il est essentiel d’agir de la sorte non seulement pour créer des conditions de concurrence équitable, mais aussi et surtout pour protéger les droits de tous.

La diligence raisonnable et la transparence sont des concepts clés du pilier "responsabilité de respecter" des principes directeurs de l’ONU. Ces dix dernières années, nous avons assisté à des évolutions très dynamiques, par lesquelles la diligence raisonnable et la transparence en matière de droits de l’homme ont été placées au cœur des activités non seulement des entreprises, mais aussi des gouvernements et des institutions régionales et internationales. Nous commençons seulement à déceler les effets, l’efficacité, les forces et les faiblesses des approches très différentes adoptées à cet égard. Toute discussion sur un cadre international doit non seulement tenir compte de ces expériences, mais aussi veiller à ne pas affaiblir cette dynamique.

Les débats menés au sein du Groupe de travail intergouvernemental ces dernières années se sont avérés bien trop circonscrits. Des préoccupations majeures soulevées lors de ces discussions par nombre de gouvernements, d’entreprises et d’autres parties prenantes n’ont pas été prises en considération.

Nous avons à présent besoin d’une impulsion pour inverser complètement la tendance. C’est en faisant table rase du passé qu’il sera possible d’inviter aux négociations des pays qui n’ont jusqu’à présent pas été associés au débat. La communauté internationale doit redoubler d’efforts pour y parvenir. Nous n’aurions rien à perdre et tout à y gagner.

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